Entre parenthèses
Présence photographique dans la clinique du Dauphiné
Résider c’est s’assoir, se poser quelque part.
À première vue, on ne choisit pas de se poser dans une clinique psychiatrique. On y arrive par les accidents de la vie. Alors vouloir y faire œuvre pourrait paraître incongru, voir indécent, voyeuriste.
La proposition des Ailes de Caïus à la clinique du Dauphiné a été de prendre le pari d’un possible, respectueux des patients et des soignants, grâce au regard et à la personnalité d’un artiste : le photographe Richard Volante. Il a tout de suite demandé à résider dans la clinique pour être, pendant une semaine, avec les gens qui vivent ici un moment particulier de leur vie. Il s’est fait accepter d’eux, patients et soignants, et a commencé son travail.
Richard Volante a voulu, dans un premier temps, nommer son exposition CinémaScope. Scope c’est voir, cinéma c’est la prolongation de l’opéra d’hier. Des personnages, une histoire, un cadre, un temps donné.
Pour l’artiste, les images racontent toutes des histoires. Elles prennent appui sur le quotidien des gens qui sont là. Elles disent beaucoup mais, surtout, elles disent ce que l’on a envie d’y voir, d’y lire, on peut y entendre des voix, pourtant muettes, pourvu que l’on prenne le temps de s’y arrêter.
Elles disent combien la ville peut être à la fois attirante et parfois « rejetante ». Elles disent combien il est difficile de raccrocher les wagons quand on les a décrochés du train. Elles disent combien des petites choses peuvent souvent être d’un grand secours. Elles disent comment le partage, la contemplation et la création peuvent être une belle façon de renouer avec les autres.
Cette expérience de résidence photographique, grâce à l’action de mécénat du groupe Sinoué, permet de faire voir le jour à une création inédite, d’aider les projets d’édition de l’association Les ailes de Caïus, d’ouvrir à de nouveaux publics l’art d’aujourd’hui et de reconnaître le rôle social des entreprises privées au cœur de leur territoires d’implantation.
Merci à tous les «sujets/acteurs » qui ont permis à cette exposition de voir le jour.
Loïc Bodin
Directeur artistique des Ailes de Caïus.
« Prologue
Dans la voiture qui nous mène de l’hôtel à la clinique ce jour-là,
Grenoble me semble être une ville dangereusement entourée
de rochers, de montagnes qui tombent à pic ou s’élancent
et se perdent dans le brouillard. Je suis de ceux que la mer calme.
Sortir de la ville, vite.
Les lacets de la route lient et délient à la fois
ce sentiment d’oppression.
Arrivée sur le parking. Première vision : une clinique dans la brume,
comme un paquebot sur la mer. Le brouillard se dissipe.
Lumières, transparences, reflets, écrans.
Montrer, regarder, spectacle, cinéma.
Serais-je de ceux que la montagne apaise ?
La clinique du Dauphiné regarde Grenoble comme le panneau
Hollywood regarde Los Angeles.
De loin, la ville semble immobile
mais elle vit 100 000 vies à la fois. Parfois les habitants s’en extraient,
s’en échappent et viennent se soigner, se retrouver, « se refaire une santé ».
Pendant cinq jours j’ai vécu dans la clinique du Dauphiné. J’ai eu envie
de construire un récit photographique constitué d’images assemblées
à la manière de séquences cinématographiques.
Un début, une fin. Une entrée, une sortie.
Une rencontre, un rendez-vous. Un champ, un contre-champ.
Tentatives de récits fictionnels, courts métrages d’images arrêtées.
La matière photographique provient de trois sources qui s’interpénètrent
et font partie du même mouvement : la clinique de ceux qui la vivent,
la clinique dans son environnement, la clinique dans la ville.
Ce travail se présente sous forme de diptyques.
La photographie, écriture instantanée de la lumière, raconte un moment
qui appartient au passé, mais sert aussi à raconter des histoires,
susciter des émotions qui nous ancrent dans le présent
et peuvent nous faire imaginer un futur. »
Richard Volante
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