Ciments: Elodie Guignard
En fin d’année 2016, l’association a lancé un appel à projet auprès d’artistes. C’est l’artiste Elodie Guignard qui a été retenue avec son projet photographique qui intègre la poésie personnelle de chacun sur son lieu de travail. Le projet a été construit en étroite collaboration avec le groupeLamotte qui a pris le pari de laisser l’artiste développer son action avec l’ensemble de ses 200 collaborateurs.
Durant sa résidence, Élodie Guignard a proposé à chaque personne du groupe de se mettre en scène là où elle travaille, en apportant son univers personnel et sa poésie intime. Un espace de liberté créative, une rencontre avec une artiste, un projet où chacun prend le risque de se dévoiler aux autres, le tout sur le temps du travail. Le travail d’Elodie a fait l’objet d’un livre, publié en décembre 2017, aux Editions de Juillet, maison d’édition spécialisée dans la photographie actuelle et partenaire des Ailes de Caïus depuis de nombreuses années.
Extrait du texte de Loïc Bodin, publié dans le livre Ciments
Élodie Guignard ne prend pas de photos. Prendre n’est pas dans son vocabulaire. Élodie travaille pour que son modèle lui donne. On pourrait dire qu’elle «reçoit» son image.
Si l’autre ne donne rien, elle ne peut déclencher qu’une simple action mécanique sur son appareil. Ceci ne fait pas œuvre. Photographier serait donc pour elle une forme de relation à l’autre. Pas de rapt, vol, cliché impromptu, «prise» photographique, la démarche d’Élodie s’installe dans le temps. Elle est l’anti-paparazzi. Le temps de la poésie n’est pas le temps de l’entreprise. Dans le travail de résidence qu’a réalisé la photographe pendant six mois au sein d’une entreprise immobilière, le Groupe Lamotte, l’enjeu était de taille : réaliser un portrait des deux cent trente collaborateurs sur treize sites en France. L’ambition affichée était de faire surgir une parcelle de poésie dans le monde du travail. Elle a donc demandé à chacun d’apporter une part de son intimité et de la mettre en scène sur un lieu de son choix. Il fallait pour Élodie « apprivoiser » le sujet comme le Petit Prince approche le renard. Pas à pas, sans geste brusque, mettre en place une relation entre celui qui se livre et celle qui doit figer ce moment. Et c’est aussi l’histoire, en retour de ce qu’il donne, du renard qui change le Petit Prince qui reçoit.
La douceur d’Élodie a joué un rôle primordial dans l’aventure. Son amour de l’Inde n’y est peut-être pas étranger. Mais si l’on ajoute la lumière du Sud-Ouest, la pluie ou le vent bretons, les aléas de la vie personnelle ou professionnelle, au moment du rendez-vous fixé, la probabilité que tous les feux soient au vert est faible. C’est probablement l’humanité qui est visible sur ces images ; Élodie Guignard crée un lien entre les êtres. Un lien fort et solide. Un ciment.
Bio express :
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arles avec les félicitations du jury, Elodie Guignard vit et travaille à Paris comme photographe, auteure. Elle développe une recherche photographique sur l’humain, le corps et les liens qu’il entretient avec le monde qui l’entoure. C’est un travail sensible et fragile qu’elle mène, emmenant les personnes qu’elle fait poser dans des lieux au caractère intemporel, afin d’inventer de nouvelles formes, de chercher au contact de ce qui nous entoure, des sensations simples de toucher, d’écoute et d’affirmer par un geste, une attitude, notre existence et notre présence au monde. Elle construit avec la photographie, un univers nourri de références littéraires et picturales où chacun peut se projeter et construire ses propres histoires.Aussi, que ce soit dans les séries bretonnes, où elle met en scène de jeunes gens dans la nature, dans les séries indiennes où elle fait poser les habitants d’un village, à la frontière du Bangladesh, où lorsque elle photographie des compagnons d’Emmaüs dans des costumes fantasques, il s’agit toujours de transfigurer le réel et nous plonger dans un temps arrêté, imaginaire et imaginé.