Alessia Rollo

Un jour sans fin

Transformation, métamorphose, mutation, altération, évolution… Tant de synonymes et de nuances au mot « changement ». Une idée qui effraie la plupart d’entre nous. Le changement nous sort de ce que l’on connaît, de la routine, de notre confort, pourtant, il est constant. L’instabilité et l’éphémère nous entourent au quotidien. ViaSilva n’y fait pas exception, et c’est sur ces notions qu’Alessia Rollo a voulu se pencher. 

Le quartier est en pleine mutation. La campagne se transforme peu à peu, et ces changements, s’ils peuvent entraîner des réticences, sont aussi synonymes de création. En effet, comme dans un atelier, y règne une certaine confusion puisque les gravas côtoient les matériaux qui ne sont pas encore utilisés et les outils, les engins et machines qui permettent la construction. On peut ainsi voir le chantier comme un lieu de fabrication où l’imagination et les idées fourmillent. Alessia Rollo s’est prise au jeu du chantier et s’est mise au défi de modifier le regard méfiant que tout un chacun peut avoir vis-à-vis du changement. L’artiste s’est intéressée au présent du territoire, à l’éphémère que provoque des travaux aussi importants. Comme une « magicienne », elle nous dévoile les secrets de cet environnement et nous montre ces transformations sous un œil neuf.

Alessia Rollo, fait ainsi du territoire de ViaSilva une immense salle de jeu à ciel ouvert. Elle s’amuse des trouvailles qu’elle fait à la lisière des chantiers, ramassant çà et là des babioles sans valeur, des déchets et des fleurs qui poussent entre les graviers et les pelleteuses. Ce butin, de petites pépites insoupçonnées, l’artiste les met en scène. À l’instar des machines qui montent jour après jour les bâtiments du futur écoquartier ViaSilva, elle récolte et assemble ces matériaux trouvés au gré des promenades pour construire à son tour des structures hétéroclites et colorées. Ces sculptures, elle les photographie puis les laisse sur place, telle une enfant construisant son château de sable en bord de mer. Éphémères, ces monuments de bric et de broc ne feront pas long feu, en prise avec les travaux qui viendront les remplacer par de nouvelles créations.

À la fois joueuse et créatrice, cette « magicienne » dévoile les mystères des travaux de ViaSilva. Cette démarche est plus flagrante encore avec ses interventions lumineuses. Soulignant des formes déjà présentes par le biais de guirlandes lumineuses colorées, Alessia Rollo transforme un monticule de graviers en une montagne se détachant d’un ciel crépusculaire. 

Ces œuvres in situ sont elles aussi éphémères : elles disparaîtront en même temps que les amas de gravats, pour laisser place au futur écoquartier. Mais elles ne sont pas les seules. Aussi fugaces que les arbres caducs, qui chaque année perdent leur feuillage, les ouvriers ne sont que de passage à ViaSilva. C’est ainsi qu’Alessia Rollo a voulu les représenter dans ses photographies. Ces acteurs et actrices du chantier, on les distingue à peine sur les clichés. Ils se cachent dans le décor, dans la lumière, deviennent des fantômes et disparaissent. Parfois, ils sont à peine visibles, comme déjà partis de ViaSilva, ne laissant derrière eux qu’une simple trace. Alessia Rollo est également allée à la rencontre des habitants. Avec elle, ils se prennent au jeu du chantier, prenant comme accessoires des babioles trouvées autour de chez eux. Certains se fondent dans le paysage, ne faisant plus qu’un avec le territoire de ViaSilva. Ainsi, elle a voulu mettre en avant le lien que toutes et tous entretiennent intimement avec le territoire, qu’il soit durable ou éphémère. 

Pour Alessia Rollo, le chantier de ViaSilva devient alors une belle métaphore des sentiments humains, surtout à cette époque si particulière dans laquelle nous vivons, ignorant ce que demain nous réserve.

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Cette résidence a donné lieu à trois expositions, ainsi qu’à une édition : Un jour sans fin

A propos de l’artiste

Née dans le sud de l’Italie en 1982, Alessia Rollo est diplômée à l’Université de Pérouse et obtient en 2009 le master « Creative Photography » à l’EFTI  de Madrid. Depuis plusieurs années, elle participe à différentes résidences artistiques à l’international, les dernières ayant eu lieu à l’Institut italien de la culture à Addis Ababa en Ethiopie et à Mashiko, au Japon, où elle réalisera la série European Eyes on Japan. Sa photographie s’intéresse aux phénomènes sociaux (stéréotypes culturels, migrations, production contemporaine de la nourriture) et visent à utiliser l’art comme un terrain d’investigation collective et sociale.

Son site internet : www.alessiarollo.it

Son instagram : @alesrollo

Visuels : © Alessia Rollo