Emmanuelle Blanc

Terra former

En arrivant pour la première fois à ViaSilva, Emmanuelle Blanc a eu le sentiment de se trouver à l’intérieur d’une maquette, d’un monde en miniature. Il y avait, pour elle, quelque chose d’irréel et de pourtant bien présent, de tangible. Aujourd’hui, l’artiste propose une exposition et un livre dans lesquels elle joue avec ces notions pour nous emmener au cœur du quartier en construction.

Le sentiment qu’Emmanuelle Blanc, architecte de formation, a ressenti en arrivant à ViaSilva, en plein hiver, fut celui d’avoir été transporté au centre même d’une maquette. La plasticienne s’est donné quelques semaines pour enquêter sur le territoire, pour prospecter afin de mieux le comprendre et en saisir les enjeux. Elle a découvert un lieu en construction où la seule vie humaine était celle des ouvrier· ères en journée et a ainsi constaté les différentes temporalités de ViaSilva, un lieu où à la fois les bâtiments poussent à une vitesse vertigineuse et où tout semble parfois figé.

« La ville n’est pas encore tangible, la campagne remodelée se restaure doucement. La fureur du chantier va bien finir par s’éloigner. Aujourd’hui, nous sommes encore dans ce temps de l’entre deux, temps de négociations, de renoncements, de conflits, d’arbitrages. C’est encore un temps de projet, de maquettes, de fantasmes, de possibles… »

L’artiste a décidé de travailler plusieurs techniques photographiques, notamment le numérique et le moyen format. Ces choix, elle ne les a pas faits au hasard, ils ont été pensés en raison des différentes temporalités qu’elle voulait mettre en avant. Le numérique permet de prendre des clichés rapides qui attrapent des éléments de la réalité, des instants, des détails purement plastiques et sensibles. Le moyen format, quant à lui, est une technique qui prend du temps. Il s’agit d’argentique, donc les photographies sont longues à produire. Si Emmanuelle Blanc a décidé d’utiliser cette technique, c’est parce qu’elle a ressenti le besoin de se poser, à un moment où le chantier allait à toute vitesse. Le moyen format, qui se rapproche de la chambre photographique, lui a permis de prendre le temps et d’observer ViaSilva différemment.

Emmanuelle Blanc pense scrupuleusement la cohérence de son travail. Tout est lié, rien n’est dû au hasard. Chaque matériau présent dans l’exposition, chaque format d’impression est défini pour jouer avec le spectateur et l’espace, afin de donner cette impression de maquette qu’elle-même a ressentie. Elle tend à retransmettre ses impressions au sein de cette exposition, nous montrer ViaSilva sous le prisme de son regard et de son expérience. Elle nous met face à la réalité du chantier : « On se rend compte que les anciens systèmes urbanistes sont très difficiles à faire bouger, il y a une grosse différence entre les promesses et la réalité. »

Habituée à travailler sur le paysage, Emmanuelle Blanc a fait de ce lieu, de cet espace, le sujet même de sa photographie. Jamais on ne rencontre de véritable personne sur ses images, on en a seulement les traces. Cela interroge la place de l’humain sur son territoire et l’urbanisation vers laquelle notre société s’oriente depuis quelques décennies. Le titre de son œuvre y fait d’ailleurs ouvertement référence. Passionnée de science-fiction, l’artiste n’a pas choisi un terme anodin pour nommer son travail. Terra-former, c’est rendre un territoire hostile vivable pour la vie humaine. Ce titre est pourtant en décalage et met en avant une question qu’elle s’est posée en arpentant ViaSilva : « Pourquoi autant d’aménagement ? Y a-t-il besoin d’aller si loin pour accueillir la vie humaine ? » Cette question est bien plus générale. Elle concerne la manière même dont l’homme et la société évoluent, vers une vie urbaine qui trouve de nombreux échos dans la littérature science-fictionnelle.

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Diorama Détail
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À propos de l’artiste

©Eric Leleu

Architecte DPLG, elle collabore avec différentes agences d’architecture, de scénographie et de paysage puis laisse sa pratique de maîtrise d’œuvre afin de se consacrer à l’image, fixe ou en mouvement. Son travail se concentre sur les espaces dans lesquels nous évoluons, de l’intime au collectif, de l’architecture aux paysages, la façon dont nous les percevons et les transformons, ainsi que notre inscription dans le vivant.

Elle enseigne la photographie en lien avec les territoires, notamment à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles.

Son site internet : https://emmanuelleblanc.com

Son instagram : @emmanuelleblancimages