Rencontres photographiques de ViaSilva #4

Galerie Net Plus

ViaSilva, la voie de la forêt

Autrefois, on quittait Condate par cette route afin d’aller vers l’est. Aujourd’hui, ne reste d’elle que le nom, celui du futur écoquartier qui s’installe peu à peu au nord de Cesson-Sévigné. Chaque année, en collaboration avec les Éditions de Juillet et la SPLA ViaSilva, l’association Les ailes de Caïus invite deux photographes en résidence, afin qu’ils travaillent sur ce territoire en pleine mutation puis exposent notamment à la galerie Net Plus. En 2020, ce sont les artistes François Lepage et Alessia Rollo qui se sont attelés à cette tâche, malgré les conditions particulières qui se sont imposées à eux. Cet été, nous vous proposons de revenir sur leur travail, à travers 3 expositions prenant place à Cesson-Sévigné. 

Cliquez sur l’image pour découvrir des photos à 360° de l’exposition © Stéphane Mahé

Entrer dans la galerie et visiter cette exposition, c’est pénétrer dans l’univers de ces deux artistes. François Lepage et Alessia Rollo ont beaucoup échangé durant leur résidence et ont trouvé plusieurs ponts entre leurs pratiques , ce qu’ils ont mit en avant dans la scénographie. Ainsi, leurs recherches plastiques se mêlent pour nous donner une certaine vision du chantier, prise sous le prisme de leurs regards autant que sous celui de leurs objectifs photographiques. Ils nous racontent l’histoire du présent de ViaSilva.

La porte

Dès l’entrée, le motif de la porte s’impose à nous, comme une invitation au voyage sur le territoire de ViaSilva. À travers les branchages et les feuilles, on aperçoit au loin le chantier, ses grues et ses bâtiments en construction. Ce motif est une belle métaphore de ViaSilva : un seuil entre deux univers, celui l’urbanisme et du chantier et celui de la ruralité et des champs. On retrouve l’image de la porte à plusieurs reprises dans l’exposition, pour nous rappeler l’ambivalence de ce territoire en pleine mutation. C’est d’ailleurs sur cette dualité de ViaSilva qu’Alessia Rollo et François Lepage se sont penchés, interrogeant la quête constante de l’équilibre qui habite ce lieu. 

Elle symbolise également le lien qu’entretiennent Alessia Rollo et François Lepage, c’est un passage entre leur pratique respective. D’ailleurs, le visuel de l’affiche est le produit d’une collaboration entre les deux photographes, une installation lumineuse sur les racines d’un arbre tout juste tombé, à l’endroit-même où ils prévoyaient de photographier une simple porte perdue dans les bois. Chaque fois que l’on en croise une, c’est comme si on changeait de pièce. On la voit sur ce grand draps à l’entrée, mais aussi, un peu plus loin, sur une bâche micro-perforée voletant devant les fenêtres. On s’avance ensuite vers les œuvres de François Lepage, mêlant photographies de ruines et de chantiers, de bosquets et de vues des travaux. 

Cette porte, on la retrouve plus loin, mais cette fois en négatif et surtout à l’envers, tel des «  ruines inversées  », une belle métaphore du chantier. Les couleurs d’Alessia Rollo laissent leur place à des images grises, blanches et noires. Pourtant, François Lepage n’a utilisé aucun filtre, il s’agit simplement là des couleurs qui habitent le chantier. Les lignes sont fortes et droites, bien loin des entortillements de branches qui peuplent les photographies d’Alessia Rollo. C’est pourtant bien du même territoire dont sont issues ces images. 

Éphémère et onirisme

Pensée comme un parcours, l’exposition nous propose, dans la grande salle, un tour d’horizon du travail de l’artiste italienne, Alessia Rollo. Durant sa résidence de 3 mois, elle s’est principalement intéressée à deux notions, l’éphémère et l’instabilité de la vie, induites par les travaux. Le chantier peut effrayer, rendre méfiant, car il provoque le Chaos  : les tas de gravats et les matériaux en pagaille sont accompagnés des bruits sourds ou aigus de nombreuses machines. Cette thématique, on la retrouve également dans les œuvres de François Lepage. Pour Alessia Rollo, il était important de ne pas rester sur cette vision méfiante du chantier, car du Chaos naît la création qui, quant à elle, peut permettre d’atteindre un certain équilibre. L’artiste italienne décide donc de porter un regard innocent, voire enfantin, sur ViaSilva. 

Alessia Rollo fait du territoire un immense terrain de jeu et s’amuse de broutilles qu’elle découvre sur les chantiers et autour des habitations. Elle invite même les acteur·rices du territoire à se joindre à elle et les met en scène sur ses photographies. Son appareil photo immortalise les sculptures éphémères qu’elle produit in situ, installations lumineuses ou natures mortes. Ces images semblent répondre à certaines photographies de François Lepage. Si l’artiste italienne produit des œuvres éphémères sur le territoire de ViaSilva, l’artiste breton, quant à lui, s’amuse à photographier des « sculptures » déjà présentes dans le paysage. C’est ainsi qu’il en vient à poser le regard sur un un vieux grillage en fer, emprisonné dans le tronc d’un arbre, ou encore sur ce tabouret de pianiste abandonné, la tête en bas, au milieu d’un petit bois. 

L’onirisme est partout dans cette exposition. Les couleurs frôlent parfois l’impressionnisme, notamment cette photographie d’Alessia Rollo dans laquelle on peut contempler un homme, de dos, au milieu de ses roses. Le jardin de Manet ne semble pas très loin. François Lepage se tourne vers la ruine. Ces 

«  sculptures trouvées  » sont des traces du passage de l’homme, elles sont les témoins d’un passé de ViaSilva, comme des ruines abandonnées. L’artiste photographie également le chantier, avec beaucoup d’attention. Là encore, on ressent l’ambivalence du lieu, entre monde en ruine et monde en construction, à la fois nostalgique et effervescent. Ses sténopés à 9 trous –  un dispositif photographique dérivé de la chambre noire – illustrent avec poésie la quête de l’équilibre qui habite le territoire et fait écho à l’homéostasie, une notion importante dans ce travail de François Lepage. Ils créent des microcosmes où se mêlent les grues et les arbres ; les immeubles et les champs se fondent les uns dans les autres, nous faisant perdre nos repères. Mais de cette confusion, de ce chaos, ressort une certaine harmonie. Les motifs se répètent et se soutiennent les uns, les autres, s’accrochent et parfois se disputent pour avoir le premier plan.

Du chantier à la galerie

Nature et chantier sont au cœur de l’exposition. Les artistes ont choisi eux-même les matériaux sur lesquels sont imprimées leurs œuvres. On trouve ainsi du dibond, du carton, de la bâche, mais aussi du fer et du ciment. Ces matériaux sont ceux du chantier, ceux que les artistes ont croisés tout au long de leur résidence. Cela apporte un décalage avec certaines photographies, notamment les images d’Alessia Rollo représentant des fleurs, des buissons ou des branchages. De même sa photographie installée au milieu de la pièce, ainsi posée, n’est pas sans rappeler les plaques de placo ou de bois appuyées contre les murs, attendant d’être accrochées ou fixées entre deux rails, comme un instant figé dans le temps. 

Le chantier de ViaSilva est une belle métaphore des sentiments humains et de la vie. C’est ce qui ressort de cette exposition, comme un Chaos qui finalement tente de trouver en son sein un certain équilibre.

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Vues d’expo © Alessia Rollo et Silvia Carboni

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Exposition du 3 juin au 15 septembre 2021

Ouvert du lundi au vendredi, de 9h à 12h et de 14h à 18h
Visite libre et gratuite
Cliquez ici pour réserver un créneau de visite 

Galerie Net Plus
60 A rue de la Rigourdière – 35510 Cesson-Sévigné
Bus n°67 – arrêt Champelé
Bus C6 – arrêt Rigourdière

www.net-plus.fr