François Lepage

Se fondre

L’équilibre est toujours incertain, c’est un fait, une réalité qui concerne tout un chacun. Quand on le trouve, on peut vite le perdre. Le moindre coup de vent et le déséquilibre est là. Sur un chantier comme celui de ViaSilva, la recherche de cet équilibre est omniprésente. « Le territoire s’apparente à un grand corps tuméfié, traversé par de bruyants soubresauts. Ses formes, ses aspérités, sa vie tumultueuse surgissent telles une inflammation générale. » : voilà le constat que fait François Lepage en arrivant à ViaSilva.

Le photographe a sillonné sentiers et chantiers de ViaSilva durant des mois. Son compagnon de route : un carnet dans lequel chacune de ses impressions, de ses réflexions a été notée près de ses doutes et de ses hésitations. Une question l’obsède : Quelle stratégie adopter dans un tel contexte ? Comment retrouver un équilibre dans la confusion qui règne lors de travaux, lorsque le sol des champs est jonché de graviers et de sable voués à devenir béton ? « Fuir, se battre, se résigner, résister, se fondre ? » C’est tout ce processus, cette recherche d’un certain équilibre, que François Lepage a voulu retranscrire dans son travail. Mais plus encore, c’est une recherche intime que l’artiste nous dévoile dans ses œuvres. 

Lancé sur plusieurs pistes, l’artiste arpente le territoire en allant à la rencontre des habitants et des ouvriers. Son travail photographique, à la fois documentaire et plastique, montre à quel point le chantier est une mise en abîme des émotions humaines. Il s’intéresse ainsi à la relation que chacun et chacune entretient avec son environnement direct, à la lisière entre deux mondes : la ville en construction et les champs voués à laisser leur place à des immeubles ou à des parcs où chacun pourra venir se reposer. Un mot s’impose alors à lui : « Homéostasie – une optique spécifique pour porter mon regard sur le tumulte. Homéostasie, c’est la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur quelles que soient les contraintes extérieures. » Avec cette nouvelle piste, arrive une autre manière de photographier : le sténopé à 9 trous.

En documentant le chantier de ViaSilva, en s’intéressant à cette recherche d’équilibre constante, l’artiste en vient à expérimenter. Après s’être penché sur les travaux et le rapport que chacun entretenait avec son environnement, ouvriers ou habitants, c’est le rapport interne et les relations entre les différentes parties du territoire qui vont l’intéresser. Le sténopé lui permet d’illustrer cette quête de l’équilibre propre à ViaSilva. Ce procédé photographique, une boîte percée de 9 trous dans laquelle il dépose le papier photosensible, permet de créer des images, des microcosmes où se mêlent les grues et les arbres, les immeubles et les champs se fondent les uns dans les autres, nous faisant perdre nos repères. « Cette déstructuration, permet de voir autre chose, d’accéder à une réalité plus grande, à une forme de pensée plus large, aux contours moins abrupts, des formes plus poétiques du monde… ». De cette confusion, de ce chaos, ressort une certaine harmonie. Les motifs se répètent et se soutiennent les uns les autres, s’accrochent et parfois se disputent pour avoir le premier plan. Comme une métaphore des émotions qui guident l’artiste, ces images semblent chercher en elles-mêmes un certain équilibre.

Le travail de François Lepage est alors aussi documentaire qu’intime. En photographiant les réalités du chantier, il photographie ses hésitations, ses questionnements, différentes pistes qui se traduisent dans la diversité de ses images. C’est le récit de ViaSilva qu’il nous raconte par le biais de ses clichés et de ses textes, mais aussi celui de sa vie en 2020, sur ce territoire en pleine mutation. Une parfaite représentation de notre monde actuel qui, en cette période de pandémie, entre fermetures et ouvertures, bruits et silence dans nos vies et dans les rues de nos villes, cherche à retrouver un certain équilibre. 

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Cette résidence artistique a donné lieu à trois expositions, ainsi qu’à une édition : Se fondre.

À propos de l’artiste

© Pacôme Lepage

Après une formation de lettres, il travaille plusieurs années en Afrique tout d’abord, puis en Amérique du Nord. Il devient en 2007 – jusqu’en 2017 – collaborateur de l’agence de photojournalisme Sipa PRESS . Il intègre en 2017 le Studio Hans Lucas. Tourné vers l’actualité dans les premières années, son regard s’ouvre peu à peu à des destinations plus lointaines, à des projets au long cours, à des aventures plus personnelles et intimes.

Son site internet : www.francoislepage.com

Visuels des œuvres © François Lepage

Portrait de l’artiste © Pacôme Lepage