[Comme seul] L’écriture – Bruno Di Rosa

Posted by on Jan 24, 2022 in Non classé | No Comments

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Denis Orhant, pour l’exposition « Comme seul » a invité quatre artistes rennais, dont Bruno Di Rosa. Habitué à un travail écrit, l’artiste nous présente aujourd’hui de la peinture, une pratique dont il n’est pas accoutumé. Il nous parle aujourd’hui de son travail plastique et de son rapport à l’écriture qui est toujours omniprésent.

Prise de vue ©Stéphane Mahé

On vous définit souvent comme un écrivain/plasticien et en effet, nombreuses sont vos œuvres qui impliquent du texte. Vous vous intéressez pourtant à la photographie, au cinéma et à la peinture. Pourquoi alors cette dénomination ?

« J’ai toujours écrit, avant même mes études supérieures. Je le faisais en cachette, persuadé de ne pas être apte à mettre en avant cette pratique, pensant qu’il fallait faire de grandes écoles pour être publié ou même lu. J’ai fait mes études aux Beaux-Arts et c’est là que, finalement, j’ai revu ma position, en affirmant et en revendiquant mon travail d’écriture. Seulement, j’ai acquis des reflex de plasticien, mes écrits étaient plus à voir qu’à lire et c’est toujours le cas aujourd’hui. 

Mes œuvres, même lorsqu’elles incluent du texte, sont à regarder, on peut les lire bien sûr, mais ce n’est pas leur vocation première. Je pense qu’on peut les regarder comme on regarde une peinture, ce qui me pousse à dire que les œuvres réalisées pour l’exposition « Comme seul » sont similaires à cette pratique d’écriture. On les regarde comme on regarde les pages de mes Carnets bleus. Je considère que mes travaux, même lorsqu’ils passent par l’écrit, sont à voir, peu importe qu’on en comprendre le sens, le texte, qu’on parle une autre langue ou même qu’on n’ait pas le même alphabet. » 

Comment définiriez-vous le fil rouge qui traverse l’ensemble de vos œuvres malgré leurs différentes formes (peinture, photo, cinéma…), s’il y en a un ?

« Je considère que chacune de mes œuvres est une page d’écriture. Aujourd’hui, cependant, peut-on vraiment dire que l’écriture passe par le papier, le livre, les mots et les lettres ? Les images sont de plus en plus présentes, elles permettent de communiquer des idées autant que les mots. D’ailleurs, cette idée est présente depuis très longtemps, on la retrouve au Moyen-Âge et même après, elles servaient déjà à raconter des histoires, à retranscrire un récit. L’image est un type de graphie.

Pour répondre à la question, je pense que c’est l’écriture qui fait office de fil rouge dans ma pratique. D’ailleurs, avec du recul, je pense que les œuvres exposées pour « Comme seul » aurait plus leur place dans une vitrine que sur le mur, afin qu’on puisse les regarder comme s’il s’agissait véritablement de manuscrits. Pour la suite de cette aventure, j’ai dans l’idée d’inclure des graphies dans cette série, en reprenant les graffity sur ce même support. »

Les différentes séries que vous présentez semblent fortement engagées en faveur des personnes en difficulté sociale (migrants et Sans Domicile Fixe principalement). Pourquoi est-ce important pour vous de traiter ce sujet ? Pourquoi avoir choisi ce médium et ce support si particulier ?

« Je ne suis jamais vraiment penché sur la question de la misère dans ma pratique artistique, avant cette exposition. Cependant, je vois une fraternité manifeste entre sans-abris et poètes. Les uns et les autres sont comme à côté de la société, ou en tout cas en marge, peut-être le même bord. Les SDF sont ignorés, tout comme les poètes qui sont assez peu lus, publiés. Ce sont des gens à part.

Cependant, je n’avais jamais pensé à traiter ce sujet auparavant, même si je travaille depuis quelques temps avec le doré. J’ai d’ailleurs toujours gardé les fonds de pâtisserie, ces cartons dorés qui tapissent les boîtes de gâteaux, persuadé qu’ils avaient un bon potentiel plastique.

C’est lors du premier confinement que j’ai eu un déclic. J’ai eu envie de peindre des SDF sur ces supports, alors même que je n’avais jamais vraiment peint auparavant, même si ce medium m’a toujours intéressé. Ce sont particulièrement les peintures du Moyen-Âge que j’apprécie. Après cette période, l’Histoire de l’art se penche beaucoup plus sur les peintres que sur la peinture en elle-même. Personnellement, j’aime cet art religieux avec ses icônes, ses représentations de saints, de l’histoire de la Bible … On y retrouve d’ailleurs souvent cette couleur dorée, ou même la présence directe de feuille d’or. J’avais envie de sacraliser les sans-abris en les peignant sur ce fond doré cheap, tels des icônes religieuses bon marché. 

En faisant cette série, je me suis penché naturellement sur la question des migrants et j’ai commencé à les représenter eux aussi. Ce décor sur lesquels ils sont peints est plus fort encore pour eux. Ils se retrouvent dans une illusion d’un monde paradisiaque, le fantasme d’une Europe (ou des États-Unis) riche, les accueillant à bras-ouverts. Finalement, ce qu’il trouve n’est qu’un faux-semblant de paradis, la réalité est bien loin du rêve imaginé, elle est bien plus cheap. 

Je ne dirais pas pour autant que mes œuvres ont une portée engagée, une vocation sociale. L’engagement est selon moi une démarche personnelle qui regarde chacun. »

Propos recueillis par Charlotte Marie

À propos de l’artiste

Bruno Di Rosa a une pratique artistique aux multiples facettes. Se décrivant comme « écrivain/plasticien », l’artiste travaille avec des supports variés tels que l’écriture, le cinéma, la photographie ou entre la peinture. Chacun de ses oeuvres interroge pourtant la frontière entre le réel et l’irréel, car Bruno Di Rosa reprend les codes de chacun de ces supports, allant jusqu’à recopier l’oeuvre d’un autre, semant ainsi le trouble dans l’esprit du spectateur.

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