Faire, refaire : Céramiques et plaques émaillées

Peter Briggs

Exposition du 23 février au 19 avril 2024
Galerie Net Plus 

 

Peter Briggs est né en Angleterre où il découvre la sculpture et la gravure. De son père botaniste, il découvre et observe la nature. Son travail se caractérise par une compréhension physico-sensorielle de la matière. Il est empreint de la mémoire des choses (réinterprétation des formes des objets utilitaires) et de leurs états antérieurs (le métal en fusion chaud et liquide devenu froid par exemple). L’artiste accorde une importance particulière au détail plutôt qu’au tout, aux accords chromatiques des matières plutôt qu’aux pigments, aux assemblages mouvants plutôt qu’aux choses figées… Un univers unique qui passe par une exploration du sens du toucher et d’une perception sensible et culturelle de la matière qui nous compose et nous entoure.

Peter Briggs, Sant titre, 2016 – 2014, porcelaines, grès noirs et émaux blancs, cuisson haute température, dimensions variables

 

Découvrez le travail artistique du sculpteur Peter Briggs dans l’exposition Faire, refaire, avec la série de théières par l’assemblage de porcelaine, grès, émaux et corindon. Les œuvres présentées dans la Galerie Net Plus sont l’aboutissement de cinq ans de recherches et de productions. Parmi les matériaux dont c’est servi l’artiste, il y a de la vaisselle en porcelaine de Limoges, de la pâte de porcelaine, des grès noir et blanc, du granit noir, des équerres, des corindons, de la chamotte, des cendres, des engobes, des barbotines et des émaux. 

Pour l’accessibilité de tous et toutes, Peter Briggs présente des séries de céramiques dans la galerie de plusieurs manières. Assis autour d’une table au tissu noir, le public prend place tels les invité·es du Chapelier Fou dans le roman de Lewis Caroll, Alice aux Pays des merveilles. Les spectateur·rices peuvent ainsi voir de près les détails des objets, leur matérialité, leurs aspects lisses ou rugueux, brillants ou matifiés. 

En libre déambulation dans la galerie, certaines œuvres sont posées sur des plaques en verre, tandis que d’autres sont à la hauteur d’une table. Les actions de l’artiste sont perceptibles sur la surface des œuvres et les actions de cuisson figent les gestes de Peter Briggs.  

L’artiste invite le public à prendre sa place en imitant les gestes du sculpteur, la position de ses mains sur des modelages, afin de découvrir la matière de l’œuvre par le toucher et non plus par la vue. 

L’exploration constante de nouvelles approches de la sculpture tout au long des décennies illustre la carrière artistique diversifiée de Peter Briggs. Elle est marquée par des collaborations, des expositions et des résidences artistiques internationales. La diversité des pièces exposées, tant par des céramiques illuminées que par des miroirs convexes, témoigne de la volonté d’exploration du sculpteur.

Le travail de Peter Briggs trace un lien entre la génération de la jeune sculpture anglaise, notamment Flanagan, Gilbert and George, et ses successeurs, Cragg, Deacon, Kapoor…, explorant une approche particulière de la « processualité » 1 et des matériaux.

La pratique artistique de Peter Briggs débute à l’école des beaux-arts londonienne, ce passage est marqué par les mouvements post-68. L’évolution progressive de sa pratique artistique opère pendant cette période de bouleversements des années 70. Il a travaillé en collaboration avec Barry Flanagan (1941 – 2009) et cela a profondément influencé ses débuts de sculpteur et a laissé une empreinte indélébile, forgeant un lien durable avec la sculpture et ouvrant la voie à une carrière riche et diversifiée. Les premières sculptures de Peter Briggs sont imprégnées d’une ritualisation performative – non sans rappeler l’approche de Barry Flanagan -, où des objets singuliers se réunissent ponctuellement pour créer des récits variables selon la place et l’attitude du spectateur. Il explore la diversité des matériaux et des formes, tout en découvrant la subtile interaction entre l’espace, l’objet, et le spectateur.

En 1973, Peter Briggs obtient une bourse et peut s’installer définitivement en France, d’abord à Dijon, puis à Rennes. Il y fait les rencontres avec des figures clés comme l’historien de l’art Jean-Marc Poinsot (1948 -) et du critique d’art Bernard Lamarche-Vadel (1949 – 2000). En 1979, sa première exposition a lieu à la Galerie Chantal Crousel (Paris), nouvellement ouverte. Il expose par la suite pour la Biennale de Paris 1980. Il acquiert donc une reconnaissance en participant à plusieurs expositions collectives marquantes pour le début de la postmodernité 2 telles que « Baroques 81 : les débordements d’une avant-garde internationale » (1e octobre – 15 novembre 1981, Arc, Musée d’art moderne de la Ville de Paris) et « Après le classicisme » (21 novembre 1980 – 10 janvier 1981, Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne). En 1982, deux de ces pièces sont acquises à la suite de l’exposition « In Situ », au Centre Pompidou par le musée lui-même. 

Deuxième exposition avec Chantal Crousel, présentant des pièces importantes en marbre scié, en verre découpé et peint. Il développe, à la suite d’une résidence à Fontevraud (organisé par Jean de Loisy) et avec la Galerie Zabriskie, une nouvelle série « Bronzes » exposée à Paris et New York, mettant en avant des pièces en marbre, verre, et explorant le modelage et la croissance végétale.

L’exposition de Peter Briggs à la Galerie Zabriskie à Paris en 1987 présentait des bronzes, créés à partir de branchages avec des extensions en cire modelée. Ces œuvres matérialisaient une exploration de la morphologie et des principes de circulation, évoquant le sang, la sève et les métaux liquides dans la thermodynamique de la fonderie. Les moules étaient réalisés en enfermant les formes dans du plâtre chamotté, sans alimentations ni passages de coulée, créant ainsi des entrées pour le métal et des sorties pour l’air.

Les années 90 marquent un tournant avec l’exploration du paysage, héritage d’une lignée où la botanique et l’innovation cohabitent (père botaniste, arrière-grand-père ingénieur de la tondeuse à gazon). La logique narrative des installations sculpturales est transposée dans des plantations, fusionnant l’art et la nature.

À partir de 1995, il entreprend la fabrication de diverses séries d’éditions de miroirs convexes. Une dialectique opère entre le lieu d’exposition (la galerie, le lieu de monstration) et le lieu de résidence (l’origine, la source de travail). « Pendant la période précédant mon séjour, j’ai beaucoup travaillé la notion de la représentation de territoire, à la fois comme élément géographique, mais également sous son aspect optique : le champ visuel comme une extension du territoire du corps, et en particulier son application aux miroirs convexes en tant que prothèses visuelles. » Peter Briggs, pendant la résidence en Inde à la Fondation Sanskriti Kendra en 2000-2001.

1. Un processus de création permanent et différé dans le temps. 

2. Concept philosophique de la fin du XXe siècle opposé aux valeurs modernes comme le progrès et l’émancipation au XXIIIe siècle

 

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© Stéphane Mahé

 

INTERVIEW

→ Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Je suis arrivé dans la région rennaise dans les années 1970. J’avais un atelier à quelques kilomètres de Cesson-Sévigné et j’y ai commencé ma carrière. Aujourd’hui, l’exposition présente une partie de mon travail mettant en avant les possibilités qu’offrent les fours et la cuisson. Je présente aussi bien des volumes en céramique que des plaques émaillées. Lors de la création, il y a différentes températures de cuisson, mais ce qui est compte c’est le processus qui amène à la finalisation de l’objet. La terre crue se fige et devient solide grâce à la cuisson. Pour les plaques émaillées, cela unit les surfaces et rend les choses définitives. Mon travail ne se focalise pas sur la céramique, loin de là.

→ Pouvez-vous nous expliquer la démarche de création pour les œuvres qui sont exposées ici aujourd’hui ?

Je n’aime pas trop parler de « démarche de création ». Parler de démarche, c’est déjà quelque chose sur lequel je trébuche. Je suis un artiste de la génération dite processuelle *. Ce qui m’intéresse dans l’art, ce sont les transformations, les notions, les adverbes. Je m’intéresse à la mise en route, lorsqu’on transforme quelque chose, et aux conditions de cette transformation. C’est véritablement un travail de recherche. J’essaie quelque chose, je cuis, et je vois si cela fonctionne ou pas. Cela fait écho au titre de l’exposition Faire, refaire. À la différence de la plupart des céramistes − qui fabriquent un bol par exemple, en le mettant dans un four, et en le vendant s’ils le considèrent comme réussi ou le jettent s’ils le considèrent comme raté − il n’y a presque rien qui ne puisse pas être réutilisé. Même les pièces qui tombent en ruine, je garde les morceaux : je les recasse et je les réincorpore dans la terre que j’utilise par la suite. C’est une démarche, qui consiste à prendre une série de matériaux (comme la porcelaine, la pâte de porcelaine, les grès) pour les combiner. C’est l’objet de mon exposition.

* L’art processuel s’attache à l’activité, au geste de l’artiste, à son attitude et son intention, plus qu’à l’objet produit lui-même.

→ Il y a beaucoup de matériaux de seconde main que vous utilisez dans vos pièces ?

Oui. Nous pouvons parler de ready-made * en référence à Marcel Duchamp. J’utilise une boudineuse murale dans laquelle je mets des pains de terre. J’appuie sur un levier et à travers les buses que je configure, j’obtiens des sections : rondes, en forme de rognons, de trou de serrures, des exclusions que je cuis, et que je réincorpore. Il y a aussi des cafetières, des objets fabriqués en porcelaine de Limoges, qui sont cuits et émaillés et donc finalisés.

En ce qui concerne les cafetières, je les achète en général avec des roses, des nymphes, des bergers… Pour commencer, j’efface les décorations : je les confie à un ami qui a une cabine de sablage et qui efface les décors. Ensuite, j’ai une scie diamantée qui permet de couper la porcelaine avec des lames extrêmement tranchantes. Je coupe selon un système de déconstruction qui fait référence aux futuristes, et plus particulièrement à Umberto Boccioni. Il est devenu célèbre grâce à une de ses sculptures qui s’appelle La bouteille dans l’espace. Dans un geste que l’on peut qualifier de cubo-futuriste, il a découpé en morceau l’objet selon les pans de lumière et son incidence. Moi, je fais la même chose. Pour Umberto Boccioni, nous pouvons parler de modelage, son œuvre est à l’image de ce qu’il imaginait. Pour moi, c’est différent. C’est littéralement une cafetière sans son bouchon que je découpe en plusieurs morceaux et que je réincorpore avec de la terre afin d’assembler les pièces. J’aime proposer des formes différentes, en tournant certains éléments, et en changeant l’orientation avec cette idée de pouvoir observer aussi bien la surface extérieure qu’intérieure de la cafetière, la partie que nous ne voyons pas habituellement.

* Objet manufacturé promu au rang d’objet d’art par le seul choix de l’artiste

→ Est-ce que vous avez des influences artistiques ?

Oui, les cubo-futuristes. Umberto Boccioni en particulier. C’est un artiste qui me fascine. Pour l’exposition, des chaises pliantes sont disponibles. Je souhaite offrir la possibilité d’observer les sculptures en position assise. J’ai été sensibilisé par une jeune femme en fauteuil roulant, qui n’a pas eu l’opportunité de venir à une de mes expositions. Cela m’a profondément questionné et m’a donné envie de construire une exposition accessible à tous et à toutes.

De plus, lorsque je travaille dans mon atelier, je suis assis la plupart du temps. L’idée de se promener dans une exposition n’est pas forcément quelque chose que je trouve positif. Tandis que prendre une chaise, choisir une pièce et s’assoir devant une œuvre, apporte une forme de stabilité qui est très positive et qui donne une perception différente, à la fois de son espace à soi et de ce qu’on a devant les yeux.

→ Vous invitez donc les visiteurs à parcourir l’exposition assis ?

Pas forcément assis, mais avec une chaise à la main afin d’offrir la possibilité de s’assoir quelque part, à un moment donné. Dans la pièce principale de l’exposition, il y a une grande table. C’est une référence à Alice au Pays des merveilles, et notamment à l’épisode du thé qui est servi avec le Chapelier fou : à chaque service, tous les personnages changent de place autour de la table. C’est pour cela qu’il y a des chaises.

Pour le vernissage, j’ai fabriqué des petits récipients appelés rhytons. Dans l’art classique, c’étaient des cornes, des récipients dans lesquels il était possible de boire. J’ai donc fabriqué ces rhytons dans mon atelier avec l’aide de mon assistante. Je souhaite inviter les publics à s’assoir et à boire dans ces récipients afin qu’ils rentrent en contact physique avec la porcelaine, le matériau. Le buffet proposé sera en noir et blanc, en référence à mes sculptures. J’essaie de mettre en place une perception différente de ce que peut être une exposition en proposant à la fois une expérience sensorielle, mais également en jouant sur l’échelle avec l’infiniment petit. Je souhaite que les publics s’approchent des sculptures pour observer, mais aussi pour les toucher.

→ L’art en général doit-il être appréhendé autrement que par la vue ?

On ne va pas aller mettre le doigt sur les œuvres de Rothko exposées à la fondation Vuitton. Ce n’est pas possible. La valeur intrinsèque de ces tableaux fait qu’ils sont gardés par des agents d’accueil et de surveillance de salle et qu’il est impossible pour le public de toucher.

La céramique a cet avantage : elle peut être mise dans le lave-vaisselle, les plaques émaillées également. Un coup d’éponge, et c’est propre. Ce n’est pas le côté hygiénique qui m’intéresse c’est la possibilité de toucher et qu’éventuellement, s’il y a un peu de saleté, de pouvoir nettoyer les œuvres par la suite. Donc, pour répondre à la question, je pense que cela dépend des matériaux. Si, par exemple l’artiste travaille le bronze, les patines sont extrêmement fragiles. Ce n’est pas le cas de tous types de sculptures. Pour les plâtres, pour le bois, ce n’est pas possible, mais pour le verre, le cristal et la céramique, ça l’est.

→ Est-ce pour cela que la céramique et le verre sont vos matériaux de prédilection ?

Je n’ai pas un matériau qui m’intéresse plus que les autres. Le seul qui ne m’intéresse pas beaucoup, c’est le bois. Pour le reste, j’ai utilisé du métal, du plomb, de l’aluminium, du bronze, de la fonte de fer, de la céramique, du verre, du cristal. Ce qui m’intéresse c’est que dans chaque matériau, il y a une manière de l’utiliser « traditionnelle », mais il y a également la possibilité d’influer sur le processus en le détournant de sa forme convenue d’origine. La plupart du temps, j’invente dans la partie processuelle afin d’aboutir sur un résultat de type différent.

→ Est-ce que les œuvres racontent une histoire ?

Les œuvres racontent leurs propres histoires. Je suis la personne qui déclenche les histoires, dans la manière de détourner les processus. J’utilise par exemple des vases en cristal comme j’utilise des cafetières. Donc une partie de mon travail consiste à prendre ma voiture et me déplacer dans des lieux de vente d’occasion comme Emmaüs, les puces, etc. Dernièrement, j’ai acheté des verres en cristal que j’ai fondus complètement, cela fait des flaques. Il n’y a aucune trace autre que le matériel en lui-même. Le matériel et le volume du vase, le poids du cristal donnent l’envergure de la pièce et donc des grosses gouttes. Actuellement, je polis les faces de ces grosses gouttes qui ne sont pas lisses pour l’instant, afin de poser une couche d’argenture et en en faire des miroirs.

Il y a d’autres matériaux que je cherche en ce moment comme des petites figures kitchs qui sont fabriquées en barbotines. Lorsqu’elles sont retournées, il y a un trou à l’intérieur, car elles ont été fabriquées dans des moules en plâtre, et la barbotine est à l’intérieur. J’ai un four qui me permet de fondre de l’aluminium. Je vais remplir ces pièces d’aluminium, les casser afin d’avoir l’empreinte à l’intérieur de la pièce. Je vais les exposer dans un dispositif particulier où il n’y aura pas la surface comme à l’origine, mais la surface moins l’épaisseur du matériau dans lequel c’était fabriqué.

→ Est-ce qu’on peut rapprocher votre démarche du courant philosophique de Hurssel ?

Oui, mais je n’ai aucune éducation philosophique et je n’ai lu que des extraits. Si l’on fait référence à la phénoménologie dans mon travail, c’est plutôt en lien avec Merleau Ponty c’est-à-dire au montage d’analogies intersensorielles, intrasensorielles, sensori-motrices et spatio-temporelles. Je suis intéressé par la perception que chaque individu se fait d’une œuvre grâce au sens du toucher, mais aussi de la vue. Ces sens s’entremêlent dans l’esprit afin de donner à voir une certaine perception de l’objet, tel qu’il a été transmis au cerveau.

Par ailleurs, je me questionne sur les questions d’échelle, de distance, de la nature même du corps : est-ce que nous sommes confortablement assis ? Ou est-ce que nous avons mal au pied lorsque nous regardons quelque chose ? Tous ces éléments influent énormément sur notre perception de l’art.

Le fait de faire l’économie du sens du toucher ou tout au moins de l’haptique comme disait Riegl – c’est-à-dire le désir de toucher quelque chose même sans le toucher – est regrettable. C’est une distance avec l’œuvre qui l’appauvrit.

→ Faire, refaire c’est le titre de l’exposition ?

C’est aussi le nom de l’association dont je suis président. En réunissant les œuvres pour cette exposition, je me suis rendu compte que certaines pièces étaient détériorées. J’ai donc entrepris de travailler à nouveau sur ces pièces en recollant certains éléments ou en les faisant cuire. Il m’arrive que certaines pièces ne me conviennent plus, donc je les découpe et les rassemble à nouveau. Mon travail consiste à recycler en permanence les éléments de mon atelier et de penser le destin de toutes les chutes et tous les éléments que je produis. Même la poussière sous la scie diamantée, je la conserve précieusement afin de voir si par la cuisson cela ne crée pas un émail par exemple. Tout peut servir.

→ Dans vos œuvres, il y a très peu couleur ?

Tout est coloré. Christian Bonnefoy qui est pour moi un très grand artiste est venu dans mon atelier, et m’a dit que mes œuvres étaient en réalité un « joli camaïeu de noir ». Mes œuvres sont donc noires essentiellement, mais il m’arrive d’utiliser certains produits chimiques comme l’oxyde de plomb, qui est orange. Un orange a réveillé les morts tellement il est violent. Certaines pièces sont peintes avec ce produit, car il s’agit d’un matériau pour moi, et pas d’une couleur. Je ne cherche pas à colorer les pièces, car il s’agit de la couleur propre des matériaux. J’entretiens une affection particulière pour le noir, le gris et le blanc, à la fois la porcelaine et le grès noir, dans cette gamme-là.

→ Pour autant vous avez dit tout à l’heure que vous enlevez les motifs, des cafetières par exemple, pourquoi ne pas les garder ?

Parce que cela raconte une histoire qui ne m’intéresse pas. J’achète des cafetières, depuis maintenant une dizaine d’années. Je garde toujours les bouchons. J’ai un tiroir à bouchons avec des centaines de bouchons. Donc, je sais que tel ou tel type de cafetière avait tel ou tel type de décor. Si l’on se rend à la Manufacture de Sèvres, dans les archives, il y a des vases qui ont des formes particulières, il y a des tirages en plâtre. À travers les époques, les décorateurs de Sèvres on peint dessus des histoires avec des reliefs. C’est ce supplément que je veux enlever. Je veux que les choses ne soient que des formes et des formes industrielles c’est-à-dire des cafetières fabriquées avec des moules en plâtre. Actuellement, j’ai 3 cafetières dans mon atelier avec des époques et des décors différents. Or, l’histoire, la chronologie ne m’intéressent pas. Ce qui m’intéresse c’est le moment de la fabrication de l’objet, mais aussi sa forme, la relation entre la poignée et le bec verseur, la relation entre l’intérieur et l’extérieur du volume. Je regarde si l’objet est fabriqué en deux ou en plusieurs morceaux. C’est donc le volume en tant que tel que je travaille comme matière première. Je ne m’intéresse pas à l’histoire du berger et de la bergère, aux fleurs, aux saisons, aux sujets qui peuvent être apportés par le décorateur sur porcelaine.

Interview menée par Chloé Fédélich avec Peter Briggs, le 20 février 2024, Galerie Net Plus, Cesson-Sévigné

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À propos de l’art

Né le 17 juillet 1950, à Gillingham (Grande-Bretagne). Formation : Hornsey College of Art/Ecole des Beaux-Arts de Dijon. Enseigne la sculpture à l’école des Beaux-Arts de Tours depuis 1983. Vit et travaille à Tours puis à Saint Pierre des Corps depuis 1983.

Site internet : peterbriggssculpture.com

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