[Comme seul] Qui vive – Denis Orhant
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Denis Orhant est un artiste rennais dont le médium de prédilection reste la peinture. Ses toiles colorées comportent toujours des personnages, ou plutôt des figures. Malgré, parfois, une présence d’abstrait, il y a toujours un sujet et ce sujet c’est l’humain. Ayant déjà exposé à la Galerie Net Plus (« des proches et des lointains »), Denis Orhant revient cette année pour exposition collective qu’il a lui-même orchestrée. « Comme seul » regroupe ainsi cinq artistes locaux·les, et nous avons souhaité interroger chacun·e afin de mieux saisir leur démarche.
Pour entamer cette série d’article, nous vous présentons le travail de Denis Orhant par le biais de trois questions que nous lui avons posées.
Dans vos œuvres, on peut voir plusieurs personnages qui semblent extraits de leur contexte premier pour intégrer vos toiles. Quel est votre rapport à l’image et comment choisissez-vous celles dont seront extraites les figures que vous représentez en peinture ?
« J’ai pris le parti d’avoir un sujet pour mes peintures, je ne suis ni dans l’abstrait, ni dans le geste instinctif, même si parfois, on peut retrouver l’un et l’autre dans mes toiles. J’ai pris cette décision il y a déjà longtemps, afin d’éviter d’être dans une errance. J’avais besoin de posséder un sujet, pour cadrer ma pratique, cadrer cette errance si tentante, qu’elle ne soit pas sans fin. Cela fait 20 ans que je procède ainsi, à partir d’un sujet, et celui que j’ai choisi, c’est l’humain. Mon intérêt n’allait pas vers le paysage, c’était la figure que je voulais traiter.
Je m’appuie toujours sur des images. Il faut dire que ces dernières sont partout autour de nous et font partie intégrante de notre quotidien. Aussi, toutes les figures représentées dans mes œuvres sont issues de photographies, extraites de films, de publicités… Elles viennent de contextes différents et traitent de thèmes variés, sur lesquels je me penche pour choisir les personnes que je vais représenter. Je m’intéresse aussi au regard, aux traits du visage, aux expression, à leur position.
Ces images, cependant, je ne les reprends pas tel quel, j’en extrais des fragments, je les « découpe », parfois, j’utilise des filtres, je les recadre, le tout grâce au numérique. Ensuite, je m’en sers de modèles pour mes tableaux, sans oublier de me laisser une part de liberté. La peinture change le traitement de la figure (il faut prendre en considération le grain de la toile par exemple), il ne faut pas la brider.
Cette manière de faire se rapproche du collage, de l’assemblage. Parfois, on peut même voir sur les œuvres des « traits de coupe » qui tranche net le personnage représenté. On retrouve d’ailleurs ces notions dans mes sculptures, bien que celles-ci soient plus joueuses. Ce sont des figurines que je colle entre elles, on n’est pas dans la figure, il y a quelque chose de plus ludique dans ces assemblages.
Pour cette exposition, « Comme seul », ce sont les visages qui m’ont le plus intéressé. Je les ai choisis ou, plutôt, je dirais que je les ai trouvés. Quand on les regarde, on sent qu’ils sont enlevés à leur contexte d’origine, qu’il y a une histoire derrière chacun d’eux, qui n’est pas retranscrite. C’est le regardeur qui peut essayer de la restituer, sans jamais vraiment la saisir. »
Malgré une patte artistique marquée, nous constatons un certain écart entre vos œuvres plus anciennes et celles réalisées ces deux dernières années. Les figures sont plus présentes sur la toile, plus marquées et le traitement des corps lui-même semble avoir évolué. Comment expliqueriez-vous ce changement ?
« Lors de ma dernière exposition à la Galerie Net Plus, « Des proches et des lointains », il est vrai que sur mes toiles on discernait des silhouettes lointaines, une multitude de personnages sur un fond souvent abstrait, gestuel, démesuré. Ça fourmillait. J’ai réalisé de nombreuses toiles, pour cette série, jusqu’à l’usure, et déjà, dans cette exposition, il y avait des figures plus grandes, plus présentes sur la toile. On passe de silhouettes lointaines, parfois floues, des figurines, à des visages plus proches et précis. D’ailleurs, la toile « Qui vive », entamée en 2009 et terminée l’année dernière, fait trace de cette évolution. Malgré tout, je garde toujours une place pour le « lâcher-prise » dans ma peinture, tout n’est pas précis, elle peut aussi être gestuelle, abstraite, notamment pour les fonds et parfois pour les corps.
Pour moi, il est important de montrer, sur une seule et même toile, différentes façons de considérer, d’appréhender la peinture. Dans un même espace, on retrouve plusieurs « styles », plusieurs techniques, faites avec des outils très différents. Je veux montrer quelque chose d’hétérogène, deux façons de faire qui ne sont pas censées fonctionner ensemble, une union qu’on ne voit jamais et qui, pourtant, s’affiche ici et s’assume. »
Comment parvenez-vous à concilier l’enseignement artistique et votre pratique personnelle ? L’un influence-t-il l’autre ?
« La question sous-jacente ici est « est-il possible d’être artiste et enseignant ? » et je dois avouer que je n’ai toujours pas la réponse. Peut-être que certains diront qu’enseigner empêche de prendre des risques, pour ma part, je ne me positionne pas là-dessus. Je pense que c’est propre à l’histoire et au parcours de chacun.
Bien sûr, l’enseignement est présent dans ma vie, il me permet d’avoir une indépendance économique vis-à-vis de ma pratique artistique, grâce à un salaire mensuel. Il n’y a pas d’obligation ou de contrainte liée au marché de l’art, pas d’obligation d’un certain type de création pour répondre à une demande.
Il y a sûrement une porosité entre ma pratique et l’enseignement, puisque mon médium artistique de prédilection pour la création est la peinture, que j’enseigne à l’université Rennes 2. Toutefois, j’essaie de ne pas affirmer ma pratique personnelle auprès des étudiants, afin d’éviter un mimétisme de la part de ces derniers. »
Propos recueillis par Charlotte Marie
À propos de l’artiste
Denis Orhant, est à la fois artiste et professeur au département Arts Plastiques à l’Université Rennes 2 où il enseigne, entre autres, la peinture. Après avoir étudié lui-même la peinture à l’École des Beaux-Arts du Mans, il s’installe à Rennes pour continuer sa formation auprès de Pierre Antoniucci. Denis Orhant est peintre avant tout, mais il a également une pratique sculpturale, selon un procédé de collage.
Infos pratiques
Du lundi au vendredi, de 9h à 12h et de 14h à 17h15.
Pour réserver un créneau de visite, merci de nous écrire à l’adresse contact[at]ailesdecaius.fr
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Galerie Net Plus
60 A rue de la Rigourdière – 35517 Cesson-Sévigné
Tél : 02 99 22 77 99
Bus n°67 – arrêt Champelé
Bus C6 – arrêt Rigourdière